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L'affaire de la disparition de Maelys ou comment violer allègrement le secret de l'enquête et de l'instruction !

Mots clefs : Faits divers ; affaire maeylis ; disparition ; instruction ; secret professionnel ; justice ; police ; gendarmerie ; avocat

 

 

Le 23 octobre 2017 au soir, alors que je naviguais sur internet, j'étais frappé par la découverte d'un article disponible sur le site wikipedia.fr, qui relatait l'affaire de la disparition de la petite Maëlys.

 

Pour rappel, cette jeune fille âgée de 9 ans était portée disparue le dimanche 27 août dernier vers 3 heures du matin lors d'un mariage à Pont-de-Beauvoisin en Isère.

 

Je fus stupéfait par l'article disponible sur le site précité, qui s'il délivre des informations précises et provenant d'autres médias (Libération et Le Point par exemple), viole point par point le secret de l'enquête et de l'instruction.

 

En effet et il faut le marteler : L'article 11 du Code de procédure pénale dispose que : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrèteToute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »

 

En pratique, tous les fonctionnaires de police, les magistrats du siège (juges d'instructions et magistrats de la chambre de l'instruction) et du parquet (les procureurs) ne peuvent en aucun cas délivrer un élément d'investigation issu du dossier de la procédure et ce, tant que l'enquête ou l'instruction ne sont pas closes.

(Cf notamment l'article de Me EOLAS : http://www.maitre-eolas.fr/post/2005/09/09/185-une-avocate-condamnee-pour-violation-du-secret-professionnel) 

 

La seule limite est posée par l'alinéa 3 du même article qui dispose que : « Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ».

 

C'est à dire qu'excepté le cas qui précède, aucune information du dossier ne doit parvenir aux journalistes ou à qui que ce soit aussi longtemps que durent l'enquête ou l'instruction.

 

Cette règle a pour but évident de préserver la présomption d'innocence et l'efficacité des investigations.

Or et cela est parfaitement regrettable, grâce à l'article de wikipedia, nous connaissons très exactement l'identité du mis en examen ainsi que plusieurs informations couvertes par le secret de l'enquête et de l’instruction.

 

Il est ainsi possible de connaître les éléments à charge qui lui sont reprochés (expertises adn de son véhicule, déclarations de garde à vue, exploitation de sa téléphonie etc…).

 

Bien évidemment, les éléments à décharge du dossier ne sont pas relayés ni même évoqués par la presse dans son ensemble.

 

Tous ces éléments de procédure sont couverts par le secret de l'enquête et de l'instruction. Ils n'ont rien à faire dans des articles de presse.

 

Il faut rappeler que selon l'article 226-13 du Code pénal, violer le secret de l'instruction constitue, pour celui qui concours  à la procédure et qui révèle l'information, un délit pénal passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende correctionnelle de 15 000 euros.

 

Pour celui qui reçoit l'information couverte par le secret et qui s'en sert (un journaliste par exemple), il s'agit du délit de recel prévu et réprimé l'article 321-1 du Code pénal. Les peines peuvent aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende.

 

Il est donc parfaitement scandaleux qu'un homme ayant fait l'objet d'une enquête pénale ou d'une instruction soit jeté en pâture à l'opinion publique par la communication d'informations de son dossier pénal.

 

En effet, il reste présumé innocent jusqu'à la fin de la procédure pénale, soit jusqu'au jugement ou l'arrêt définitif qui met fin à la procédure.

 

Les conséquences de telles révélations peuvent être bien souvent catastrophiques sur la vie des personnes mises en cause dans une procédure pénale.

 

Pour preuve, l'affaire dite d'Outreau, au cours de l'année 2001. Au cours de celle-ci, un huissier de justice, (entre autres) Alain MARECAUX, avait été accusé à tort de viols et d'agressions sexuelles sur des mineurs de moins de 15 ans.

 

La presse s'était fait l'écho d'informations couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction.

 

Il avait suite à leur publication perdu son étude d'huissier, sa femme, ses enfants et avait tenté de se suicider trois fois avant d'être acquitté définitivement le jeudi 1er décembre 2005 par la Cour d'Appel de Paris.

 

Il est fort à parier que si le secret de l'enquête et de l'instruction avait été préservé, jamais l'affaire n'aurait pris une telle proportion.

 

La présomption d'innocence est un principe absolu, garant de notre Etat de droit. Quand on joue avec lui, on joue avec la vie d’êtres humains.

 

Votre bien dévoué,

 

Nicolas PAGANELLI

Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis