Mots clefs : affaire sarkozy ; mouammar kadhafi : affaire bygmalion ; droit Pénal ; avocat ; justice
Cela n’aura échappé à personne.
Nicolas SARKOZY, notre ancien Président de la République, est accablé par les procédures judiciaires en cours.
Déjà renvoyé devant le Tribunal correctionnel du chef de « financement illégal de campagne électorale » dans l’affaire Bygmalion, mis en examen pour « corruption », et « recel de violation du secret professionnel » dans le dossier dit des « écoutes de l’Élysée », l’ancien chef de l’État n’avait encore jamais été entendu dans le dossier libyen.
L’occasion pour nous de revenir sur ce que risque judiciairement Nicolas SARKOZY et surtout, d’expliquer à nos lecteurs comment fonctionne l’immunité Présidentielle.
I) L’immunité Présidentielle : Une règle constitutionnelle qui peut plier
Du latin immunitas (exemption, dispense, remise), l’immunité Présidentielle permet à un Président de la République en exercice, à certaines conditions et pour un temps limité, d’échapper à toutes poursuites de l’autorité judiciaire et/ou administrative.
Héritée de l’ancien régime, elle est aujourd’hui prévue et encadrée par les articles 67 et 68 de notre Constitution.
L’article 67 indique que : « Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions. »
En clair, cela signifie qu’un Président de la République en exercice est intouchable, sauf si le Parlement réuni en Congrès décide de le destituer « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de ses fonctions », ce en vertu de l’article 68.
Si le Président commet un crime (ex : meurtre de sa femme) durant l’exercice de son mandat, l’autorité judiciaire ne peut rien faire contre lui jusqu’à ce que celui-ci soit achevé. Les poursuites peuvent être entamées un mois après la fin de ce mandat.
Ce qu’il faut préciser c’est que Nicolas SARKOZY n’était pas encore Président de la République au moment de la commission supposée des faits, à savoir 2006-2007.
Dès lors qu’il l’est devenu, l’autorité judiciaire devait attendre l’achèvement de son mandat de cinq ans, soit le 15 juin 2012, avant de pouvoir éventuellement envisager une quelconque procédure.
Si Nicolas SARKOZY avait été élu en 2012, aucun juge d’instruction n’aurait pu effectuer la moindre démarche à son encontre, idem pour l’élection présidentielle de 2017.
Cela aurait retardé les poursuites jusqu’en 2022, soit une instruction et un procès purement formels, pour des faits remontant à quasiment 16 ans.
Or, dans notre espèce, si Nicolas SARKOZY est mis en examen et renvoyé devant un Tribunal correctionnel, il le sera en tant que justiciable de droit commun, pour des faits pas si anciens que cela.
Si les faits étaient avérés (corruption ; trafic d’influence ; financement illégal de campagne électorale ; faux et usage de faux ; recel ; blanchiment de fraude fiscale), cela est d’une extrême gravité pour un ancien chef d’État.
II) Que risque réellement Nicolas SARKOZY ?
En théorie et en vertu des textes applicables (les peines d’emprisonnement ne se cumulent pas en France, sauf si elles sont séparées par une condamnation définitive), Nicolas SARKOZY risque une peine d’emprisonnement de dix ans.
Il s’agit du maximum légal le plus élevé pour les faits de corruption, prévus et réprimés par l’article 432-11 du Code Pénal. Il encourt également une amende de 150 000 euros (sous l’empire du texte en vigueur aux dates supposées de commission des faits).
A l’instar de Jérôme CAHUZAC, il est possible - en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à deux ans - qu’il soit incarcéré.
En effet, les peines d’emprisonnement supérieures à deux années ne sont en France pas aménageables, ce en vertu de l’article 723-15 du Code de Procédure pénale.
Ce serait du jamais vu sous la Vème République.
Le nombre d’affaires judiciaires de cette nature impliquant des hommes politiques de tout premier plan étant très rare, il est difficile d’envisager un pronostic.
En tout état de cause et comme le disait Voltaire : « Quelle homme est sans erreur ? Et quel roi sans faiblesse ? »
Je suis à votre disposition pour tout renseignement ou information complémentaire,
Votre bien dévoué,
Nicolas PAGANELLI
Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis