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L'interpellation : Qui, quoi, où, quand, comment ?

 

 

Mots clefs : arrestation ; liberté ; menottage ; fouille ; droits fondamentaux ; droit pénal ; procédure pénale ; nullité ; vice de procédure

 

 

L'interpellation est une notion que personne n'ignore.

 

C'est le fait, pour un fonctionnaire de police, d'appréhender physiquement une personne, de la menotter si besoin est, afin de la conduite au commissariat de police le plus proche.

 

Ce qu'il faut bien comprendre, à l'instar des contrôles d'identité, c'est que là encore les fonctionnaires de police n'ont pas tous les droits.

 

(Voir notamment mon article précédent : https://www.nicolas-paganelli-avocat.fr/2017/10/14/contr%C3%B4les-d-identit%C3%A9-non-les-fonctionnaires-de-police-n-ont-pas-tous-les-droits/)

 

En effet, l'interpellation et le menottage obéissent à deux prescriptions du code de procédure pénale prévues aux articles 73 et 803.

 

Citons les in extenso afin de bien cerner de quoi il s'agit :

 

Article 73 du Code de Procédure Pénale :

 

« Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche.

 

Lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire. »

 

- Article 803 du Code de Procédure Pénale :

 

« Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.

Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu'une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel »

 

Pour l'interpellation, cela signifie plusieurs choses :

 

Premièrement, toute personne (c'est à dire pas uniquement les fonctionnaires de police), a qualité, en vertu de l'article 73 du Code de Procédure Pénale, à arrêter quelqu'un qui a commis un crime ou un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement.

 

A titre d'exemple, un individu pris a partie dans une bagarre, donc victime de violences volontaires (au sens de l'article 222-13 et s du Code Pénal), peut tout à fait conduire son agresseur devant l'Officier de Police Judiciaire le plus proche. En pratique, il s'agira du commissariat de police voisin.

 

Il ne risque pas, dans ces conditions, d'être poursuivi du chef d'arrestation et de séquestration, crimes prévus et réprimés par les articles 224-1 et s du Code Pénal.

 

Deuxièmement, l'interpellation doit se fonder sur un crime ou un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement.

 

Pour ce qui est du flagrant crime ou flagrant délit, la chambre criminelle de la Cour de Cassation précise, au visa de l'article 53 du Code de Procédure Pénale, qu'il s'agit : « d'indices apparents d'un comportement délictueux »(Cass. crim., C. partielle, 8 octobre 1985).

 

Cela est extrêmement important car cela veut dire que si, au moment d'interpeller l'individu, le fonctionnaire de police ne peut justifier d'indices apparents d'un comportement délictueux, c'est la nullité assurée de l'interpellation, donc la remise en liberté de la personne interpellée.

 

Cependant, l'individu qui a l'occasion de son interpellation commettrait un délit (outrager un fonctionnaire de police ou se rebeller par exemple), ne pourrait voir la procédure annulée.

 

En revanche, un individu interpellé sans comportement délictueux apparent, qui n'oppose aucune résistance et dont on découvrirait par la suite qu'il possède une grande quantité de drogue (cannabis, cocaïne...) dans son véhicule, serait fondé à demander l'annulation de toute la procédure. Ici, c'est la remise en liberté immédiate assurée.

 

(Voir à ce titre : https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand/faits-divers/2014/06/28/les-avocats-de-la-defense-obtiennent-lannulation-du-proces-verbal-dinterpellation-de-leurs clients_11060066.html)

 

 

Je précise, dans un souci d'exhaustivité juridique, que le cas évoqué en sus ne concerne pas l'instruction pénale ou bien le placement en garde à vue qui fait suite à une enquête préliminaire.

 

Dans ces deux cas précis, l'interpellation, qui n'est souvent qu'un placement immédiat en garde à vue, est fondé sur des charges antérieures réunies contre personne interpellée.

 

Notre article ne vise donc que les cas de personnes arrêtées à la suite d'un supposé flagrant délit.

 

En pratique, les jeunes de quartiers dits sensibles, notamment en Seine-Saint-Denis, rencontrent fréquemment ce problème.

 

Certains ne comprennent pas toujours pourquoi ils ont été interpellés par un fonctionnaire de police. La nullité de leur interpellation est donc encourue dans le cas précité.

 

Qu'est-ce-que cela signifie-t'il sur le menottage ?

 

Cela implique qu'aucun fonctionnaire de police ne peut vous menotter ou vous entraver (cas du cercle en plastique faisant office de menottes), si vous n'êtes pas soit dangereux pour autrui ou pour vous-même, soit susceptible de tenter de prendre la fuite.

 

Donc si vous n'avez opposé aucune résistance à votre interpellation, et que votre comportement ne revêt pas l'apparence d'un comportement dangereux ou à risque, le menottage est illégal.

 

A ce titre, la Cour d'Appel de Paris précisait que : « Dès lors que le contrôle d'identité d'un individu a lieu sans incident dans un car de police, que celui-ci est resté parfaitement calme jusqu'au moment où, à sa sortie du car , il a été menotté, qu'il n'existait, avant cela, aucun motif de le tenir pour dangereux, pour autrui pour lui-même, ni comme étant susceptible de prendre la fuite, les conditions requises par l'article 803 du code de procédure pénale ne sont pas réunies ». (Cour d'appel de Paris 7 janvier 1997 : Droit pénal 1998).

 

Comme le disait Eric-Dupond-MORETTI : « La justice se fourvoie quand elle perd de vue ce pourquoi elle a été organisée : faire du droit, pas de la morale ».

 

Espérant que cette brève vous aie, autant que faire se peut, éclairé sur ce qu'est au sens du droit pénal et de la procédure pénale, l'interpellation.

 

Je reste à votre disposition pour tout information pour toute question ou information complémentaires,

 

 

Votre bien dévoué,

 

Nicolas PAGANELLI

Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis