Mots clefs : récidive ; droit pénitentiaire ; incarcération ; droit pénal ; procédure pénale ; crimes ; délits ; avocat ; aménagement de peine ; application des peines
Souvent évoquée par les justiciables mais rarement comprise dans son intégrité, la récidive légale est une notion juridique aux conséquences souvent désastreuses pour nos clients.
Tout d'abord, il faut définir ce dont on parle.
Qu'est-ce que la récidive ?
La « récidive légale » est le fait pour un individu déjà condamné définitivement par une juridiction pénale (Cour d'Assises, Tribunal Correctionnel, Tribunal de Police), de commettre une nouvelle infraction, dans un certain délai appelé « délai de récidive légale ».
L'individu qui commettrait une nouvelle infraction dans ce délai légal encourrait donc une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle multipliée par deux.
Il en est de même pour la peine d'amende.
Ainsi, l'individu qui risquait une peine de 5 années d'emprisonnement encourra une peine de 10 ans d'emprisonnement.
L'individu qui encourrait une peine d'amende de 10 000 euros encourra une peine d'amende de 20 000 euros.
Bien évidemment le Tribunal ou la Cour sont souverains.
Il n'existe pas d'automaticité dans le prononcé de la peine, conformément au principe d'individualisation des peines prévu à l'article 132-1 (alinéa 1 et 2) du Code pénal.
En effet, il est rare que les juridictions aillent jusqu'au maximum légal encouru. Néanmoins, et cela est automatique, la récidive légale modifie substantiellement les règles applicables à l'aménagement de peine.
Ainsi, en vertu de l'article 723-15 alinéa 1 du Code Pénal, les délais à partir desquels la peine est aménageable (comprenez à partir desquels on évite la prison) sont modifiés.
Ainsi, à titre d'exemple et sans compliquer le mécanisme, la personne condamnée à une peine de 2 ans d'emprisonnement ferme par le Tribunal, sans mandat de dépôt (comprenez non incarcérée à la barre), pourra voir sa peine intégralement aménagée.
Cet homme pourra ainsi purger sa peine à l'extérieur et ainsi éviter la prison, par des mesures telles que le placement sous surveillance électronique mobile par exemple.
Si ce même homme est en état de récidive légale, il devra se constituer prisonnier et effectuer un an de détention (hors crédit de réduction de peine) avant de pouvoir bénéficier d'un aménagement de peine.
Vous le voyez donc, la notion de récidive est aussi synonyme de privation de liberté.
Comment savoir si l'on est récidiviste ?
Selon les articles 132-8 ; 132-9 et 132-10 du Code pénal, il existe quatre cas de figure :
-1er cas : Vous avec été condamné pour un crime ou un délit qui était puni de 10 années d'emprisonnement.
Dans ce cas, si vous commettez un crime après votre condamnation définitive, peu importe quand, la peine que encourrez est automatiquement doublée.
Ex : Si vous encouriez une peine de 15 ans de réclusion criminelle hors récidive, vous pourrez être condamné à 30 ans.
Source : Article 132-8 du Code Pénal
-2ème cas : Vous avez été condamné pour un crime ou un délit puni de 10 années d'emprisonnement par la Loi
Si vous commettez un délit puni d'une peine d'emprisonnement de dix ans, dans un délai de dix ans à compter de la date de votre condamnation définitive, la peine que encourez est automatiquement doublé.
Ex : Vous encourrez donc une peine de 20 ans de prison.
Source : Article 132-9 alinéa 1 du Code Pénal.
-3ème cas : Vous avez été condamné pour un crime ou un délit puni de 10 années d'emprisonnement par la Loi.
Dans ce cas, si vous commettez dans un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an et inférieure à 10 ans, la peine que encourez est automatiquement doublé.
Ex : Ex : Si vous encourez une peine de 7 années d'emprisonnement hors récidive, vous pourrez être condamné à 14 ans.
Source : Article 132-9 alinéa 2 du Code Pénal.
-4ème cas : Vous avez été condamné pour un délit, peu importe la peine encourue.
Dans ce cas, si vous commettez dans un délai de 5 ans à compter de votre condamnation définitive, soit le même délit, soit un délit assimilé au sens de l'article 132-16 et s du Code Pénal, la peine que encourrez est automatiquement doublé.
Ex : Si vous encourrez une peine de 3 années d'emprisonnement, vous pourrez être condamné à 6 années de prison.
Nota BENE :
Actuellement, une très grande partie des tribunaux, comme de la doctrine, considère que le point de départ du délai de récidive est caractérisé par la date de la condamnation définitive.
Cette analyse, contra legem (sauf pour la récidive criminelle vu au cas n°1), s'oppose à la lettre même des articles 132-9 et 132-10 du Code Pénal.
En effet, ces articles précisent bien que le point de départ de la récidive est constitué par « l'expiration de la précédente peine », c'est à dire la date où le condamné a purgé sa peine ; ou bien de la « prescription de la peine », c'est à dire la date à laquelle la peine n'étant pas exécutée, celle-ci devient prescrite.
Pour cette raison, la chambre criminelle de la Cour de Cassation est revenue à une interprétation littérale du texte, mais dans un dossier relatif à une condamnation avec sursis.
Il s'agit d'un arrêt du 14 octobre 2014 (pourvoi n° 13-87636)
L'attendu de cet arrêt est extrêmement clair et dénué d'équivoque.
Il indique : « Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le délai de récidive ne courait qu’à compter du jour où la condamnation assortie d’un sursis était non avenue, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés ».
La condamnation avec sursis étant non avenue (quand un délai de 5 ans s'est écoulé sans condamnation intervenue depuis la date de la condamnation définitive), le point de départ de la récidive est constitué à compter de cette date de non avenu.
Ainsi, même si cela n'a pas encore été jugé par la chambre criminelle de la Cour de Cassation, on ne voit pas pourquoi il n'en serait pas de même à l'égard des condamnations à de l'emprisonnement ferme.
Si l'on respecte le sens et la portée des articles 132-9 et 132-10 du Code Pénal, le point de départ de l'état de récidive légale commence à courir au jour où le condamné a définitivement purgé sa peine et non au jour où la condamnation est devenue définitive.
Il ne s'agit pas d'un débat abscons de juristes tatillons, il s'agit d'un point de droit à faire respecter.
Ce point de droit aura sans doute des répercussions considérables sur la situation des justiciables.
A bon entendeur !
Votre bien dévoué,
Nicolas PAGANELLI
Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis