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Un proche est en garde à vue : Chut, c'est un secret !

 

Mots clefs : garde à vue ; commissariat ; gendarmerie ; police ; avocat ; droit ; secret de l'enquête ; justice ; déontologie 

 

 

La multiplication du nombre de mesures de garde à vue décidées par les officiers de police judiciaire depuis les années 2000 nous obligent à envisager son encadrement légal.

(Cf notamment l'article de Me EOLAS : http://www.maitre-eolas.fr/post/2011/04/25/vademecum-de-la-garde-agrave%3B-vue-2.0)

 

Ne sera pas traité ici toute l'étendue que recouvre procéduralement la notion de garde à vue.

 

Je m'évertuerai seulement à définir l'obligation essentielle qui pèse sur les épaules de l'avocat lorsque celui-ci intervient lors de cette mesure.

 

Il faut rappeler une chose fondamentale aux justiciables : En France, en vertu de l'article 11 alinéa premier du Code de procédure pénale, l'enquête de police est secrète. La mesure de garde à vue, dont elle découle nécessairement, ne doit être connue de personne.

 

Ce secret a deux justifications : protéger la présomption d'innocence du suspect et protéger l'enquête, qui avancera mieux par l'effet de surprise.

 

Empêcher la mesure de garde à vue de s'ébruiter c'est aussi éviter que d'éventuels co-auteurs ou complices du gardé à vue ne profitent de cette information pour faire disparaître des preuves ou indices, ou bien ne fasse pression sur des potentielles victimes ou témoins.

 

En conséquence, les personnes qui sont placées en garde à vue, comme leurs avocats, n'ont pas accès au dossier qui les concernent tant qu'une décision sur l'action publique n'a pas été prise (déferrement devant le Procureur de la République aux fins de comparution immédiate par exemple).

 

Ceci est parfaitement scandaleux mais, en l'état du droit positif, il en est ainsi.

(Cf notamment l'article de Me RIBAUT-PASQUALINI : http://ribaut-pasqualini.avocat.fr/index.php?post/2011/07/08/Garde-%C3%A0-vue-%3A-toujours-sur-le-m%C3%A9tier-remettre-son-ouvrage)

 

Cela entraine une autre conséquence qui nous occupera aujourd'hui :

 

L'article 63-4-4 du Code de procédure pénale interdit formellement à l'avocat de « faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue, ni des entretiens qu'il a eu avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès verbaux et en assistant aux auditions et confrontations ».

 

En pratique cela signifie que l'avocat ne peut, à peine de radiation, prévenir un proche de la personne gardée à vue afin de l'en informer.

 

L'avocat qui prendrait ce risque et qui violerait ainsi le secret professionnel s'exposerait à des poursuites pénales sur le fondement de l'article 226-13 du Code de procédure pénale.

 

Il pourrait également être poursuivi disciplinairement pour manquements déontologiques (article 2 bis du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat).

 

De la même manière, le proche du gardé à vue ne pourra obtenir aucune information auprès de l'avocat qu'il sollicite téléphoniquement.

 

Le secret de la mesure, comme le mentionne expressément l'article 63-4-4 précité, ne cesse qu'à la fin de la garde à vue.

 

A cet instant précis, l'avocat est légalement habilité à prévenir un proche de la personne qu'il assiste afin de l'informer des éventuelles suites de la procédure.

 

Pour pallier la détresse des familles sans nouvelles de leurs proches, les Lois des 4 janvier et 4 août 1993, 14 avril 2011 et 3 juin 2016 ont prévu des limitations au secret de la mesure de garde à vue.

 

Il s'agit des articles 63-1/3° et 63-2 du Code de procédure pénale.

 

Il est donc possible au gardé à vue de bénéficier des droits suivants :

 

      - Faire prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son tuteur/curateur

 

        - Faire prévenir les autorités consulaires de son pays si elle est de nationalité étrangère

 

      -Communiquer - sur autorisation de l'officier de police judiciaire et selon les modalités que lui ou l'agent de police judiciaire déterminent - avec une des personnes précitées par écrit, par téléphone ou lors d'un entretien

 

On ne saurait que conseiller au justiciable d'user au maximum des possibilités que lui offre la loi, afin d'éviter à l'avocat - parfois téléphoniquement harcelé par des familles dans un désarroi total - de leur rappeler « qu'il ne peut rien dire ».

 

On doit cependant poser ici deux limites à toute la palette de droits offerte par le code de procédure pénale au gardé à vue.

 

Premièrement, l'officier de police judiciaire peut demander au Procureur de la République qu'il refuse d'autoriser l'avis au proche ainsi qu'à l'employeur. Cette possibilité est prévue par l'article 63-2 alinéa 3 du Code de procédure pénale.

 

Deuxièmement, l'officier de police judiciaire peut refuser de faire droit à la demande de communication directe du gardé à vue avec une des personnes évoquées plus haut. Cette faculté est prévue par l'article 63-2/II du Code de procédure pénale.

 

Comme le disait Napoléon BONAPARTE : " Tout l'art de la police est de ne pas voir ce qu'il est inutile qu'elle voie "

 

Votre bien dévoué, 

 

Nicolas PAGANELLI

Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis