Mots clefs : Droit pénal ; procédure pénale ; police ; justice ; contrôle d'identité ; vice de procédure ; procès verbal ; discrimination ; défenseur des droits
Aujourd'hui, sera traitée l'épineuse question des contrôles d'identité.
Souvent méconnu du grand public, le code de procédure pénale encadre pourtant de manière extrêmement précise les cas dans lesquels l'identité d'un individu peut être contrôlée.
(Cf notamment l'intervention de Me Yassine BOUZROU : https://www.youtube.com/watch?v=cRmcMimLFXw)
En effet, il existe une liste très précise de cas dans lesquels un individu peut se voir momentanément retenu par les fonctionnaires de police, aux fins de justifier de son identité (articles 78-2 à 78-2-2 du Code de Procédure Pénale).
(Cf notamment l'article du journal le Figaro : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/05/23/01016-20110523ARTFIG00498-des-avocats-s-attaquent-aux-controles-d-identite.php)
Avant toute chose, il faut indiquer qu'en vertu de l'article 78-1 du code de procédure pénale : « toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants ».
Cela signifie que tout individu circulant sur le territoire national ne peut refuser de se soumettre à un contrôle d'identité.
Si le contrôle s'avère irrégulier, il conviendra de le contester par la suite lors d'une éventuelle poursuite judiciaire.
Je conseille donc aux personnes faisant l'objet d'un contrôle d'identité de toujours se laisser faire et de n'opposer aucune résistance, qu'elle soit verbale ou physique.
Dans le premier cas, le délit d'outrage pourrait être caractérisé (article 433-5 du Code Pénal).
Dans le second, le délit de rébellion pourrait être constitué (433-6 du Code Pénal).
En effet, même si à la lecture du PV le contrôle d'identité se révèle nul, la nullité de ce dernier n'aura aucune conséquence sur les délits d'outrage ou de rébellion et ce, alors même qu'ils seraient postérieurs audit contrôle (Cassation Chambre Criminelle 7 février 1995).
Cela signifie également que tout individu circulant sur le territoire national doit être porteur de documents propres à justifier de son identité.
L'établissement de l'identité peut être réalisée par tout moyen (carte d'identité, passeport, carte d'étudiant...).
Quels sont donc les cas dans lesquels l'identité d'un individu peut être contrôlée ?
Cas numéro 1 : Le contrôle dit de « police judiciaire ».
L'article 78-2 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale nous indique que :
« Les officiers de police judiciaire et, sur ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;
ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge d'application des peines ; »
Si le fonctionnaire de police (qu'il soit officier de police judiciaire ou agent de police judiciaire agissant sur ordre d'un OPJ), ne justifie pas, dans le procès verbal de contrôle d'identité, qu'il se trouve dans l'une des quatre situations précitées, le contrôle d'identité ainsi que toute la procédure qui en découle seront annulés.
A titre d'exemple, si le contrôle d'identité (irrégulier) révèle que l'individu était porteur de plusieurs centaines de grammes de cocaïne, la garde à vue ainsi que la détention provisoire qui s'ensuivront, seront annulés.
Toute la procédure pénale qui découle du contrôle d'identité sera anéantie et l'individu, sauf s'il était détenu pour une autre cause, sera remis en liberté.
Ainsi, a été annulé le contrôle d'identité suivant :
Civ 1 ère, 31 mai 2005 : « Une dénonciation anonyme non corroborée par d'autres éléments d'information ni confortée par des vérifications apportant des éléments précis et concordants ne constitue pas une raison plausible de soupçonner qu'une personne a commis ou tenté de commettre une infraction, permettant à des policiers de procéder à un contrôle d'identité sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 1 ; il y a donc lieu d'annuler le contrôle d'identité ».
Cas numéro 2 : Le contrôle sur réquisitions du Procureur de la République.
L'article 78-2 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale nous indique que :
« Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
Dans ce cas précis, le procureur n'a pas - dans ses réquisitions - à démontrer la commission d'une ou d'infractions pré-existantes au contrôle d'identité.
Le contrôle peut donc avoir lieu quel que soit le comportement de l'individu, pourvu qu'il aie lieu à la date et au lieu visés par les réquisitions du Procureur.
En revanche et cela m'est déjà arrivé dans de nombreux dossiers, il arrive que le Procureur de la République, dans ses réquisitions, vise des noms de lieux qui n'existent pas (exemple : Boulevard Rivoli à Paris) et que les fonctionnaires de police chargés d'exécuter ses réquisitions effectuent un contrôle d'identité dans le lieu qu'aurait du viser le parquet (exemple : rue de Rivoli).
Dans ce cas précis, si l'avocat demande la nullité du contrôle d'identité, il a toutes les chances de gagner.
Son client a également toutes les chances de retrouver la liberté, même s'il a été, à la suite du contrôle irrégulier, trouvé porteur de produits stupéfiants par exemple.
Cas numéro 3 : Le contrôle dit de police administrative.
L'article 78-2 alinéa 3 du Code de Procédure Pénale nous indique que : « L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. »
Comme l'article le précise bien, ici peu importe le comportement de l'individu.
En revanche, le policier rédacteur du procès verbal devra démontrer précisément et de manière concrète en quoi il existait, au moment du contrôle, un risque de trouble à la sécurité des personnes et/ou des biens.
A défaut, c'est la nullité assurée du contrôle d'identité.
La chambre criminelle de la Cour de Cassation le rappelait dans deux arrêts de principe :
- Crim 17 décembre 1996 : « Justifie sa décision la Cour d'Appel qui, pour constater l'irrégularité d'un contrôle d'identité, retient que le procès verbal se borne à une référence abstraite à de nombreuses infractions commises sur le lieu de l'interpellation, sans évoquer quelque circonstance particulière pouvant établir la réalité d'un risque sérieux et actuel d'une atteinte à l'ordre public ».
Ou bien :
- Civ 2 ème, 4 mars 1999 : « Doit être cassé pour violation de l'article 78-2 alinéa 2 l'arrêt qui, par un seul motif d'ordre général et sans se référer à aucun élément de la procédure, décide que le contrôle d'identité d'un étranger dans une station de métro est régulier, alors que les juges n'ont pas précisé en quoi la sûreté des personnes et des biens était immédiatement menacée lors du contrôle ».
Cas numéro 4 : Le contrôle dit Schengen.
L'article 78-2 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale nous indique que :
« Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi.
Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière.
Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants.
(…) Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. »
Là aussi, le contrôle Schengen peut être opéré peu importe le comportement de l'individu.
Cas numéro 5 : Le contrôle aux fins de lutte contre le travail dissimulé.
L'article 78-2-1 du Code de Procédre Pénale nous indique que :
« Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, en vue :
-de s'assurer que ces activités ont donné lieu à l'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés lorsqu'elle est obligatoire, ainsi qu'aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et l'administration fiscale ;
-de se faire présenter le registre unique du personnel et les documents attestant que les déclarations préalables à l'embauche ont été effectuées ;
-de contrôler l'identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles ont fait l'objet des déclarations mentionnées à l'alinéa précédent.
Les réquisitions du procureur de la République sont écrites et précisent les infractions, parmi celles visées aux articles L. 5221-8, L. 5221-11, L. 8221-1, L. 8221-2, L. 8251-1 du code du travail, qu'il entend faire rechercher et poursuivre, ainsi que les lieux dans lesquels l'opération de contrôle se déroulera. Ces réquisitions sont prises pour une durée maximum d'un mois et sont présentées à la personne disposant des lieux ou à celle qui la représente.
Les mesures prises en application des dispositions prévues au présent article font l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé. »
Il s'agit ici de contrôles d'identité qui ont pour objet de déceler d'éventuelles infractions en matière de droit du travail et de droit pénal du travail.
Que se passe t-il si l'individu ne peut ou refuse de justifier de son identité ?
Il faut savoir que l'individu peut être privé de sa liberté pendant une durée maximale de 4 heures.
L'article 78-3 du Code de Procédure Pénale est très clair sur ce point et indique que :
« Si l'intéressé refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, il peut, en cas de nécessité, être retenu sur place ou dans le local de police où il est conduit aux fins de vérification de son identité.
(...)
La personne qui fait l'objet d'une vérification ne peut être retenue que pendant le temps strictement exigé par l'établissement de son identité. La rétention ne peut excéder quatre heures, ou huit heures à Mayotte, à compter du contrôle effectué en application de l'article 78-2 et le procureur de la République peut y mettre fin à tout moment(...) ».
On ne le répétera jamais assez, il ne faut pas résister à tous les cas précités de contrôle d'identité, à peine de commettre une infraction pénale (violences volontaires ,outrage, rébellion...).
Si le contrôle d'identité est nul, c'est uniquement par la suite qu'il conviendra d'en demander l'annulation.
Comme le disait Napoléon BONAPARTE : « On déjoue beaucoup de complots en feignant de ne pas les voir ».
Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire ou action,
Votre bien dévoué,
Nicolas PAGANELLI
Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis